Je viens tout juste de reposer le livre de Cécile Andrzejewski, que j’ai lu en à peine trois jours. J’ai tourné la dernière page avec ce sentiment étrange et paradoxal : celui de vouloir que ça continue, parce que l’écriture est fluide, humaine et la lecture agréable ; tout en voulant balancer le livre à travers la pièce de rage et de dégoût en découvrant les horreurs et les injustices subies par toutes les survivantes citées (et celles non citées mais qui existent bien).
Cette enquête sur les violences et les harcèlements sexuels et sexistes dans les hôpitaux français est sortie en février 2019. C’est une amie, collègue pigiste, qui l’a menée. Nous nous sommes rencontrées sur une autre enquête d’envergure, traitant de ces mêmes violences, mais en zone de guerre. Ça s’appelle Zero Impunity, nous étions 11 femmes journalistes à avoir travaillé sur 6 “terrains” (comme on dit dans le jargon), et c’est sorti au début de l’année 2017.
Recommander une enquête sur les violences sexuelles et sexistes me paraît être d’utilité publique, mais ce n’est pas chose facile. On peut difficilement le conseiller comme un “bon bouquin à lire au coin du feu”. Tout de même, ici, j’aimerais mettre en avant le courage des femmes qui ont accepté de raconter les pires moments de leur vie. Rien que pour tout ce que ça a dû leur coûter en force, en énergie et en souffrance, nous leur devons un peu de notre temps.
J’évoquerais aussi le travail d’investigation impressionnant de Cécile Andrzejewski, sa déontologie, son humilité.
Je pourrais aussi dire à quel point cette enquête répond aux habituelles critiques : oui, il y a des chiffres, non, ce ne sont pas “quelques histoires”, oui, la journaliste démontre le système qui écrase les victimes, et donc les femmes, non, le livre n’est pas “juste une série de témoignages et après on fait quoi ?”. Et même si ce n’était qu’un témoignage, sa nécessité reste la même : celle de parler, de parler et d’encore parler. De dénoncer et de mettre mal à l’aise, très mal à l’aise. Même si ce livre était mal écrit – ce qui n’est pas du tout le cas -, je le recommanderais. Parce qu’il pousse à la prise de conscience et à la vigilance. Parce qu’il participe, livre après livre, enquête après enquête, à révéler toutes les violences étouffées qui ne doivent plus être ignorées.
Silence sous la blouse de Cécile Andrzejewski est paru aux éditions Fayard en février 2019.