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Enfanter dans les violences

Depuis quelques années, la violence obstétricale fait parler d’elle grâce à des ouvrages pionniers comme celui de Marie-Hélène Lahaye Accouchement, les femmes méritent mieux, Le livre noir de la gynécologie de Mélanie Déchalotte ou encore avec des documentaires comme celui d’Ovidie,  Tu enfanteras dans la douleur. J’en passe et des meilleurs. Cette vague a aussi touché la Belgique où une étude a récemment été publiée par Vie Féminine ; étude dont les médias se sont largement fait écho ces derniers mois. La parole des femmes a commencé à effleurer ces violences dans le paysage médiatique. Elles commencent à raconter certaines des atrocités commises à l’encontre de leur corps, à parler de l’impact de ces violences sur leur vie et à rendre visibles les traces qu’elles en gardent.

Dans ce dossier, nous avons voulu parler des violences obstétricales et donner (beaucoup) de place à ces injustices vécues dans notre chair. On abordera donc les violences d’un point de vue beaucoup plus large que la violence en milieu médical, car elles ne s’arrêtent pas en sortant de chez le gynéco ou de l’hôpital. Il nous semble que la libération de cette parole cache toute une série d’autres violences, très diverses, qui s’accumulent pendant la période « du désir d’enfant », la « grossesse » (désirée ou non), l’accouchement, le post partum, voire plus tard pendant les  premiers mois de la vie du bébé.

Ces violences sont passées sous silence du fait de leur intensité en milieu médical (et cela peut se comprendre). Mais on tentera ici de contourner la tendance à minimiser ces autres violences, tendance qui conduit parfois à les nier… Car le « méchant » n’est pas si facilement identifiable – famille, conjoint, pression sociale, manque d’estime de soi, néolibéralisme, etc. Le processus d’enfantement est saupoudré d’infinies violences (et de plaisirs, mais ça, on en parlera une autre fois !) qu’on a souvent du mal à nommer, voire à assumer en tant que tel. Avec cette série d’articles, on a voulu les partager, les explorer, les questionner et surtout donner la possibilité à des femmes de raconter ce sentiment de violence, qu’il soit un ressenti plus généralisé ou plus particulier.

Ce dossier sur les violences a été organisé autour de trois moments clés : la Série I intitulée “De l’envie d’enfanter (ou pas) au fait accompli…” recoupe la période du désir d’enfant, des fausses couches, des IVG puis la grossesse jusqu’à son terme. Elle comprend trois épisodes couvrant tentative d’être enceinte, le contrôle du corps gestant et la préparation à l’accouchement. La Série II aborde les violences obstétricales pendant l’accouchement sous le titre “Donner naissance comme expérience violente”. Trois épisodes évoquent l’absence d’écoute bienveillante pendant l’accouchement, les expériences traumatisantes des femmes “accouchées” et “sauvées” par la médecine et un article final sur les solutions politiques à ces violences. La Série III, nommée “La grande (lourde et heureuse ?) délivrance”, s’attarde sur le post-partum et les premiers mois de l’enfantement. En deux épisodes, on revient notamment sur les séquelles de l’accouchement et les violences sociales exercées sur les mamans. La trilogie se conclut avec une tentative d’ouverture au dialogue sur les violences. Trigger Warning! Vous l’aurez compris, le contenu de certains articles peut être très violent !


Générique

L’envie de parler de ce sujet est venue d’une bâtarde, Marta Luceno, et de son expérience de maternité. Elle s’est elle-même incluse dans les témoignages que vous allez lire par la suite. Elle a tenu à garder la longueur des témoignages récoltés, les tournures de phrase, les contradictions parfois… L’autrice a demandé à toutes ces femmes d’écrire ou de raconter elles-mêmes leur récit de violence. Et elle tient à les respecter. La compilation de témoignages provenants de différents pays (Belgique, France, Italie, Tunisie et Allemagne avec certains détours en Croatie et en Espagne) sont à la source de cette série d’articles. On tient à présenter les participantes qui ont participé à l’enquête, formellement ou informellement. Il s’agit d’un groupe de femmes très varié qui se sont engagées à des degrés différents : des témoignages écrits, des entretiens, des conversations autour d’un café, des retours sur Messenger, des questionnements à des femmes inconnues lors des voyages, etc. Toutes ces femmes sont d’une façon ou d’une autre incluses dans ces articles même si on ne les nomme pas toutes.


Merci infiniment à

Chloé, deux enfants, Belgique

Ana, deux enfants, entre la Croatie et la Belgique

Malika, un enfant, France

Marta, un enfant, entre la Tunisie, la Belgique et l’Espagne

Aurore, un enfant, entre la France et la Tunisie

Caroline, un enfant, Belgique

Besma, deux enfants, Tunisie

Saussen, deux enfants, Tunisie

Sophie, trois enfants, Tunisie

Anne, trois enfants, Belgique

Flore, deux enfants, France

Betty, un enfant, entre l’Allemagne et la Tunisie

Juliette, un enfant, Belgique

Fatoumata, deux enfants, Guinée et Belgique

Khadiya, un enfant, Tunisie

Aminata, deux enfants, entre la belgique et la Guinée

Kalista, deux enfants, Hongrie

Mario, un enfant, Belgique

Et à toutes les femmes qui ont participé, de près ou de loin, avec leurs savoirs et leurs expériences. 


Présentation de la démarche artistique, par l’artiste Alesoni

Certains des dessins présents dans cette trilogie ont été réalisés il y a sept ans, alors que je commençais ma relation avec le monde du travail et aussi celle avec l’homme qui allait devenir mon mari. C’est très intéressant de les lier avec des dessins plus récents car aujourd’hui, étant accomplie professionnellement et devenue maman, je ressens les choses d’une manière un peu différente… Comme dit l’autre : « Il y a les constantes et les variables. » Une même technique, un même thème : la femme et son corps représentés de la manière la plus brute possible, au pinceau imbibé d’encre de chine sur papier blanc… De la violence sournoise à une agressivité bien marquée, la ligne noire sur le papier blanc ne peut pas mentir, tremblante ou lente, sûre ou rapide, calme ou mouvementée… De ma main lourde ou de mon cœur léger… Ici, chaque trait détient son caractère, tout en transparence. Une continuité de la dualité corps/esprit, incarnée dans ce noir/blanc, dans un environnement plus ou moins hostile où peu de place est laissée à la nature féminine dans sa juste simplicité. 

C’est tout à fait volontaire de ma part de ne pas avoir représenté l’enfant (le seul bébé dessiné est une projection de l’image que se fait de l’enfant la future maman au travers de ce ventre/boule de cristal), les préoccupations étant centrées sur les enjeux féminins d’avoir une enveloppe si prisée, à la merci de ce monde centré sur le désir que son corps peut susciter, qui devient asexué quand il est au service de la reproduction. Une nudité imposée de fait, qui ne dévoile pourtant que peu des parties intimes. La femme cache ce qui la dit femelle, pour laisser place à l’expression de ses sentiments. Le regard se porte donc sur les sensations que les passages fille/femme/mère peuvent induire dans une société (du qu’en-dira-t-on au corps médical) qui vise à s’approprier son corps constamment, jugeant tous ses faits et gestes, sans pour autant, quasiment jamais, faire preuve d’empathie. De la lourde tâche d’incarner tout un tas de symboles au « je m’en fous, je suis qui je suis », voilà 21 dessins qui présentent des sentiments variés de la riche palette de couleurs féminines.


Introduction « Enfanter dans les violences »

Série 1 : « De l’envie d’enfanter (ou pas) au fait accompli… »

Épisode 1 « Quand le(s) passé(s) s’invite(nt) dans la grossesse« 

Épisode 2 « Le contrôle du corps gestant »

Épisode 3 « Se préparer à l’accouchement. Contourner les violences ? »

Série 2 : Donner naissance comme expérience violente

Épisode 4 : L’écoute des femmes, ce grand oubli de l’accouchement

Épisode 5 : « Ces femmes (et enfants) qui seraient mort.e.s en couche sans la médecine moderne »

Épisode 6 : Les violences obstétricales comme problème public : quelles réponses politiques ?

Série 3 : La grande (lourde et heureuse ?) délivrance

Épisode 7 : Le post-partum, la violence des séquelles de l’accouchement

Épisode 8 : La violence, c’est nous… mais surtout les autres !

On ne conclut jamais un sujet pareil !

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