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La grande (lourde et heureuse ?) délivrance

Jour J + quelques heures/minutes/jours/semaines – en fonction des complications pour la maman ou pour l’enfant – la grande aventure du maternage commence ! Malheureusement, de nouvelles violences apparaissent dans notre quotidien de nouvelle maman : les séquelles de l’accouchement (par césarienne ou par voie basse), la fatigue, les douleurs, les blessures et les soins qui vont avec ; la solitude, la charge mentale du « tout-à-apprendre » qui se traduit par le « tout-à-gérer-en-plus » pour celles qui sont déjà mères. Bien souvent, une violence de plus fait s’immiscer en mode incognito cette peur, cette angoisse de ne pas être à la hauteur de son (nouveau) rôle de maman.

Le milieu médical, les proches, le papa ou encore la société ajoutent un poids de plus sur nos épaules saupoudrées de : « Tu as encore un bébé là-dedans ! » « Tu ne vois pas qu’il a faim/froid/sommeil… Mauvaise mère ! » « Vous n’avez pas assez de lait. » « C’est égoïste de ne pas donner le sein, pauvre bébé. » « Dépêche-toi de te remettre en forme sinon ton mec ira chercher ailleurs. » Ma préférée étant :  « Tu es esclave de ton bébé. » Merci, hein, je l’avais déjà remarqué. Les rendez-vous de contrôles de l’ONE (l’Office de Naissance et de l’Enfance ou équivalent selon le pays), de révision gynécologique, de séances hyper douloureuses de kiné pour le périnée, des vaccins… Tout s’accumule avec les nuits sans dormir, les vêtements à laver, les couches à changer et les pressions subies pour un retour supposé à “la vie d’avant” ; liée (spoiler alert) en partie à ton corps d’avant, ta liberté d’avant et l’égalité qu’il avait pu y avoir dans ton couple d’avant (ou pas).

Les dilemmes auxquels les femmes doivent faire face sont multiples : entre l’amour fou pour son bébé – si tu n’as pas choppé une belle dépression post-partum – et l’envie de le « jeter par la fenêtre » (métaphoriquement, les ami.e.s !) ; entre l’envie de tout claquer et celle de passer tout son temps à regarder son bébé ; entre vouloir baiser et devoir nettoyer ; entre vouloir retrouver les soirées et la fête et être incapable de laisser son bébé à quelqu’un… Cela peut être un vrai cauchemar ! Que le ton humoristique acide ne vous trompe pas, ces violences sont tout aussi importantes que celles évoquées ici, ici ou là (lien vers les articles). Ces violences sont tout aussi importantes car la violence de l’après accouchement reste encore un tabou. L’idéalisation de la maternité – et avant elle de l’accouchement et de la grossesse – dans notre société contemporaine joue un rôle fondamental dans ce qui est vécu comme violent par beaucoup de femmes. Non, le maternage n’est pas un long fleuve tranquille !  Le post-partum demeure un moment très dur. Les deux premières années sont remplies de difficultés et de grandes violences. 

Épisode 7 : Le post-partum, la violence des séquelles de l’accouchement

Les violences médicales et leurs séquelles se concentrent souvent dans la première phase du post-partum, lors de l’hospitalisation où des contretemps peuvent survenir. Il peut s’agir de maladies graves comme des hémorragies, des infections urinaires, des thromboses ou thrombophlébites – lorsqu’on accouche par césarienne, où on nous fait porter des collants de contention (bien moches au cas où on ne se sentirait pas suffisamment moches avec le pyjama de l’hôpital). Ces interventions, pour les mamans ou pour les enfants, sont tout à fait nécessaires à la survie. Pourtant, elles peuvent provoquer des violences. Aux possibles complications pendant l’accouchement s’ajoutent les séquelles. Les blessures d’épisiotomies et de césariennes provoquent des douleurs et une certaine incapacité pour certains maternages. L’estime et la confiance en soi sont fortement touchés par tout le processus de médicalisation et de remise en question des femmes que celui-ci produit.

Les complications peuvent induire une séparation avec l’enfant, à court ou long terme. Cette souffrance a été vécue par Juliette, mère d’un enfant en Belgique qui a perdu beaucoup de sang pendant l’accouchement. Elle a dû subir trois heures d’interventions médicales durant lesquelles elle n’a pu qu’apercevoir son enfant de loin. Les possibles complications de santé de l’enfant peuvent aussi provoquer une séparation, celle-ci pouvant être vécue comme une véritable violence par les mamans, même si elles en comprennent l’urgence. Aurore, mère d’un enfant entre la France et la Tunisie, a enduré cette séparation qui l’a marquée psychologiquement :

« J’ai été séparée de mon bébé à sa naissance pendant quatre interminables heures où je n’ai fait quasiment que pleurer. Je sais que c’était pour son bien qu’il reste sous oxygène. Cela me renvoie au fait que je n’ai pas su gérer l’accouchement. Culpabilité idiote sûrement mais si j’avais mieux poussé, il n’aurait pas été en souffrance. Bref… Pendant ces longues heures, la sage-femme est venue me demander où était le biberon car elle ne le trouvait pas dans le sac de maternité. « Je veux allaiter, il n’y a pas de biberon. » La tété de bienvenue n’avait pas été possible, je voulais retrouver mon bébé pour commencer l’allaitement… Mais ça n’a pas été possible. « Il doit manger car il va être en hypoglycémie. Il n’est pas alimenté depuis hier soir car vous n’avez pas à manger. Dites à votre mari d’acheter un biberon. Bébé prendra le sein plus tard. » Pas le choix donc… Encore pour son bien d’après le corps médical… J’appelle mon mari déjà parti acheter d’autres choses, pour lui demander de prendre un biberon. Il l’apporte. La sage-femme vient me voir et je lui dis que mon mari a acheté un biberon. « On lui a donné à manger déjà. Il ne pouvait pas attendre. » Putain. Ils ont tout fait pour niquer la mise en route de l’allaitement… J’apprendrai plus tard qu’un bébé peut ne presque rien manger les trois premiers jours… »

L’allaitement peut être source d’une infinité de violences, c’est pourquoi l’appui du milieu médical pour le mettre en place grâce aux premières tétées est très important. Les premières tétées permettent de transmettre le colostrum, le premier lait ingéré après l’accouchement, très riche en protéines et en anticorps, bénéfique pour le système immunitaire du bébé.

Toutes les personnes interrogées pour ces entretiens qui ont vécu la séparation pour des problèmes médicaux dès la naissance vivent de façon dramatique ces moments d’incertitude et de solitude. Marie, mère de deux enfants en Belgique, a très mal vécu la séparation de son premier enfant pour « délit de sale gueule » :

« Quand je l’ai eu dans mes bras c’était magnifique, c’est un très beau moment, au niveau physique je crevais de mal, mais le bébé sur moi c’était magnifique. Puis on a suspecté qu’il avait quelque chose et on l’a pris pour faire tout un tas d’examens, du cœur, etc. J’ai angoissé pour qu’au final on ne me dise rien. On m’a seulement donné un rendez-vous chez le généticien. On sème le doute sans te donner d’explications ! Puis, on doit attendre. J’ai passé quinze jours à me demander si mon enfant avait quelque chose. On va chez le généticien qui nous explique que le pédiatre pense que mon enfant a un « délit de sale gueule ». Pour moi, il était magnifique, j’étais à mille lieues de penser que mon fils avait quelque chose. Quel manque d’empathie envers les parents de dire cela comme ça. Le généticien nous a dit que le petit n’avait rien, de rentrer chez nous. Il a eu la décence de ne rien nous dire à ce moment. Je n’étais pas prête. J’aurais fait une dépression. Même si c’est une erreur de sa part, cela a permis de ne pas coller d’étiquettes à mon fils dès la naissance et de le laisser évoluer. »

Deux ans plus tard, Marie apprend que leur enfant a une particularité, ce qui a été un choc. « Ça te secoue. C’était le pire moment de ma vie. Mais mon garçon je l’aime qu’il ait dix têtes ou qu’il soit vert », conclue-t-elle. Elle regrette que son fils ait dû l’entendre. Elle s’inquiète que « cela puisse laisser des traces car il était avec nous devant le médecin. J’ai fondu en larmes devant lui. Je me suis tournée vers lui pour lui dire : ce n’est pas contre toi, je t’aime, je t’aime. » L’indélicatesse des médecins revient très souvent pendant notre longue conversation. Pas seulement du pédiatre, mais aussi d’une sage-femme qui « lui faisait mal en la poussant » lorsqu’elle essayait d’allaiter son fils alors qu’il avait des difficultés à boire au sein : « Cela ne te donne pas confiance. »

De la confiance en soi brisée par la médicalisation

Pour la plupart des femmes, le manque de confiance en soi pendant les premiers jours est un dénominateur commun. Elle est en partie provoquée par la surmédicalisation de l’accouchement et des premiers jours du bébé. Le contrôle du poids du bébé est, par exemple, extrêmement contraignant pour la mise en place de l’allaitement. Après mon accouchement, j’ai tenté de donner le sein à mon fils à plusieurs reprises mais le lait ne montait pas vraiment. J’avais le sentiment d’être en échec. L’équipe médicale m’a obligée à donner du lait à mon fils – j’ai réussi à imposer que cela soit fait avec une petite sonde collée à mon sein pour favoriser une reprise du sein par la suite. Mais ce sentiment de ne pas produire assez, ni d’assez bonne qualité, m’a suivi durant les deux ans d’allaitement, par alternance – par peur et parce que mon enfant était bien gourmand ! Marie Hélène Lahaye analyse d’une façon très intéressante cette perte de confiance en soi très répandue : « De façon sournoise, bon nombre de femmes doivent faire face à des séquelles psychologiques, telles qu’un sentiment d’échec, le deuil d’un accouchement idéal, la perte de confiance dans les capacités de leur corps, voire une dépression comme c’est souvent le cas pour les autres opérations. Les jours qui suivent la naissance apportent leur lot de traumatismes supplémentaires puisqu’en plus de subir la douleur des suites opératoires, les jeunes mères sont confinées dans une impuissance et une dépendance envers leur entourage au moment même où l’arrivée d’un nouveau-né exige un réajustement complet de l’organisation de vie. Elles doivent endurer l’humiliation de demander de l’aide pour leurs besoins les plus élémentaires et, comble de la situation, se trouvent dans l’incapacité de prendre seule leur bébé dans les bras et d’assurer librement les premiers maternages. »

Personnellement, j’ai très mal vécu le besoin d’assistance à cause de la césarienne à l’hôpital car je ne pouvais rien faire toute seule. J’étais à la merci des commentaires et des humeurs des infirmières : « Je me suis réveillée à l’aube avec les pleurs du bébé, j’essaie de me soulever pour le prendre dans mes bras et une forte douleur traverse mon bas ventre, la césarienne. Je suis seule car j’ai dû prendre une chambre collective (faute de moyens pour me payer une individuelle) et les accompagnateurs sont interdits ! Je dois appeler une infirmière et regarder mon fils pleurer pendant de longues minutes jusqu’à ce qu’elle arrive pour me le donner. Je l’allaite, il s’endort sur ma poitrine. Une infirmière qui passe me dit de le déposer dans son lit, j’exécute. Après trois appels à l’infirmière car il se réveille tout le temps, je décide de le garder dans mon lit. Une autre infirmière me dit de façon très brusque et maladroite : « Mettez-le dans son berceau, vous allez l’écraser. » Cette fois-ci, je me fâche et je l’engueule pour m’avoir dit un truc pareil. Que bien évidemment cette remarque avait quelque chose à voir avec mon surpoids. Elle me parle de la mort subite du nourrisson pour contourner la chose et pour me faire bien peur. » Cette infirmière a encore une fois nourri ce manque de confiance en soi qu’on essaie de cacher et dont on doit se défendre pour parvenir à faire ce qu’on pense être le mieux pour notre enfant. Ce n’est qu’au bout d’un mois après la naissance, avec une fatigue immense, que je mets son commentaire de côté pour faire du « cododo » (dormir avec le bébé dans le même lit). J’ai ressenti un énorme soulagement car l’allaitement sur demande pouvait alors se dérouler sans que je me réveille totalement, tout en me permettant de récupérer un peu de la fatigue.

Si les soins et la dépendance demeurent des thématiques très peu abordées, la réalisation d’épisiotomies et de césariennes laisse des blessures qu’il faut soigner et qui peuvent s’infecter voire provoquer des douleurs insupportables. Dans le cas de Fatoumata, mère de deux enfants entre la Guinée et la Belgique, les services médicaux ont oublié de lui retirer un point de suture : « On fait l’épisiotomie et j’ai eu très très mal pendant longtemps. Ils avaient oublié de faire l’ablation d’un point sur deux. C’était gonflé pour la partie du périnée. C’était trop serré, c’est moi qui ai demandé. J’avais trop mal. » Flore, mère de deux enfants en France, a dû faire une rééducation du périnée suite à un “point du mari” dont elle n’était même pas au courant : « C’est la sage-femme que j’ai rencontrée pour la rééducation après le premier accouchement qui me l’a dit. Je ne savais même pas que ça existait ! C’est grâce à elle que j’ai réussi à affirmer mon choix de non épisio pour le deuxième accouchement et c’est grâce à la petite déchirure naturelle que ce fameux point du mari a donc sauté à l’accouchement de mon second. J’ai eu tellement mal à chaque rapport entre les deux accouchements, c’était vraiment dur ! J’ai dû faire plus de 50 séances de kiné. »

Le travail avec le kiné a été un lourd fardeau à porter pendant plus d’un an pour Juliette, mère d’un enfant en Belgique. Sa rééducation périnéale a été un continuum de séances de kiné très douloureuses, suivies d’une multitude d’autres techniques pour essayer de retrouver une certaine “normalité”, jusqu’à laisser tomber l’affaire à cause d’une prise en charge médicale déficiente :

« Le suivi post accouchement a été catastrophique. Les muscles ont été sérieusement éprouvés par l’accouchement. J’ai été suivie par des kinés pendant un an ; toutes les séances étaient douloureuses, il m’arrivait parfois de saigner ou d’avoir mal jusqu’à la fin de la journée. Les rapports sexuels ont été douloureux pendant une dizaine de mois. Comme la progression semblait limitée, j’ai été aussi redirigée vers un autre type de suivi. J’ai testé la sophrologie, la kinésiothérapie et l’hypnose, sans grande conviction ni grand succès. Moralement, c’était très difficile de voir que la situation ne s’améliorait pas, et que personne ne semblait pouvoir y faire grand-chose, à part me dire que c’était « psychologique ». Au bout d’un an, j’ai eu un bilan à l’hôpital avec une médecin pour décider s’il était nécessaire de poursuivre les séances de kiné (ça faisait un an de suivi, et ma fille avait déjà 15 mois). Le bilan n’a même pas eu lieu : elle m’a demandé un peu de raconter le passif, et balayé très rapidement le problème : si les séances de kiné étaient douloureuses, il suffisait d’arrêter la kiné (alors que les douleurs se manifestaient aussi en cas de stress ou de longues journées). J’ai fondu en larmes dans son bureau ; elle a conclu à une dépression post-partum et a voulu me rediriger immédiatement vers les urgences psychiatriques pour que je sois reçue et qu’on me donne un traitement médicamenteux. J’ai décliné et je suis partie. Je n’ai repris aucun suivi. J’ai parfois encore un peu mal, mais je ne me sens pas prête à reprendre quoi que ce soit pour le moment. C’est dans le suivi post-grossesse que les choses auront été les plus violentes et les plus difficiles. »

La dépression post-partum peut être évoquée pour expliquer toutes sortes de symptômes que les médecins n’arrivent pas à expliquer « médicalement parlant ». Pourtant, cette maladie, qui est de plus en plus reconnue chez les mamans, demeure une problématique importante du post-accouchement qui est de plus en plus étudié, mais très peu questionné. 

Baby blues et dépression post-partum

« J’ai eu un gros coup de mou le 3ème jour à la maternité. La sage-femme l’a vu tout de suite en parlant avec mon compagnon. Notamment par rapport aux visites pendant l’hospitalisation, très peu de personnes sont venues dire bonjour, du coup j’ai bien déprimé. Même mon compagnon, je voulais le foutre dehors ! », se rappelle Chloé lorsque je l’invite à me raconter comment s’est passé l’après l’accouchement. « Je me suis sentie en tout cas autorisée à le vivre, reconnue. » Il s’agit de ce qu’on appelle communément le baby blues, une forme de dépression que les médecins lient souvent aux hormones. Mais selon Marie-Hélène Lahaye : « La médecine a du mal à expliquer les raisons de cet état, et évoque souvent une cause hormonale. C’est simple, lorsqu’une femme a un comportement incompréhensible, c’est toujours d’origine hormonale. Étrangement, personne, surtout pas le monde médical, n’évoque le lien entre la dévalorisation qu’elles subissent pendant l’accouchement et les doutes sur leurs capacités qu’elles éprouvent dans les jours qui suivent. Si les femmes ont un comportement erratique et inconséquent, ce doit être dans leur nature profonde. Ne cherchez pas plus loin, on vous a bien dit qu’elles sont d’inconscientes idiotes. » J’avoue avoir cru naïvement à cette explication des hormones. Puis j’ai été me renseigner pour voir ce qui se cachait derrière ce fameux baby blues et la dépression post-partum, décrite comme une forme plus sévère de la même maladie.

Les différences entre ces deux maladies ne sont en fait pas mineures. On peut même parler de trois maladies puisqu’il existe aussi une dépression prénatale. Cette dernière, selon Naîma Boukhlafa, peut être provoquée par « la maternalité, le deuil développemental et le conflit esthétique (qui) ont de commun le potentiel dépressiogène, engagé dans le développement psychoaffectif que traverserait la femme ». Le baby blues à la différence de la DPP (dépression post-partum) apparaît entre le troisième et le dixième jour après l’accouchement sans que la maman n’ait de psychopathologies sous-jacentes et ne dure pas plus d’un mois. Certains symptômes sont communs, notamment le fait de pleurer, d’avoir des insomnies, de se montrer hypersensible et fortement irritable (la moindre chose après une si dure épreuve, mais passons). Le baby blues touche une plus large population que la DPP. Cette dernière apparaît beaucoup plus tard, après un ou deux mois, et les symptômes sont plus nombreux, plus sévères et avec des conséquences plus fortes pour la femme et son entourage.

Dès qu’on s’attaque aux causes de la DPP, une panoplie assez impressionnante d’articles scientifiques s’ouvre devant nous. Les approches du sujet sont très diverses et présentent même des résultats contradictoires ! Les chercheurs pointent du doigt l’influence du stress, de la vulnérabilité préexistante, des gènes porteurs de la dopamine, le manque de vitamines, l’adaptation évolutive de la mère face à une tension entre la survie du bébé et l’investissement nécessaire dans le maternage, le manque de soutien social ou encore la modification des hormones féminines pendant la grossesse. D’autres études montrent au contraire qu’aucune corrélation ne peut établir le lien entre les hormones et ces troubles. L’exposition à de l’ocytocine de synthèse pendant l’accouchement augmente aussi de plus de 30% les risques de dépression post-partum, selon Kroll-Desrosiers. Cela veut au moins dire que si les hormones jouent un quelconque rôle, d’autres facteurs sont à prendre en compte, notamment le système d’accouchement masculin – avec la perte de repères pour la femme –, les attentes souvent illusoires autour de la maternité qui créent un sentiment d’incapacité ou encore le manque de soutien social dans une société de plus en plus individualiste.

Les femmes sont pourtant très peu investies dans la dénonciation des violences physiques et psychologiques post accouchement, qu’on tend à minorer, voire à garder en nous. Les conséquences peuvent en être très profondes et souvent enracinées dans la peur de ne pas être une bonne mère. L’écart entre l’idéalisation des femmes qui accouchent, qui se prennent en photo rayonnantes trois heures après et qui tiennent des discours remplis d’or et de paillettes sur le post-partum et l’accouchement est immense quand on les compare à nos propres expériences remplies de loques, de mastites (infections mammaires), de serviettes hygiéniques de grand-mère, de ventres qui pendouillent, de cicatrices, d’infirmières qui nous lavent car on ne peut pas bouger et de cernes marquant notre fatigue extrême. 

La puerperalité, période allant de l’accouchement au retour des règles, est un processus où nos organes se remettent à leur place, notre utérus revient à sa taille par de mini contractions, nos seins gonflent et dégonflent en quelques minutes, le lait coule, nos capacités à materner se développent. C’est aussi un moment de mise en place d’une nouvelle dynamique de famille, de visites intempestives et rarement adaptées… C’est tout un monde duquel on ne montre qu’une infime partie de « bonheur » et de « plaisir », laissant de côté, caché, un vécu violent qui peut nous hanter car il ne correspond pas à la représentation « normale » de la maternité qu’on a pu nous vendre.


Introduction « Enfanter dans les violences »

Série 1 : « De l’envie d’enfanter (ou pas) au fait accompli… »

Épisode 1 « Quand le(s) passé(s) s’invite(nt) dans la grossesse« 

Épisode 2 « Le contrôle du corps gestant »

Épisode 3 « Se préparer à l’accouchement. Contourner les violences ? »

Série 2 : Donner naissance comme expérience violente

Épisode 4 : L’écoute des femmes, ce grand oubli de l’accouchement

Épisode 5 : « Ces femmes (et enfants) qui seraient mort.e.s en couche sans la médecine moderne »

Épisode 6 : Les violences obstétricales comme problème public : quelles réponses politiques ?

Série 3 : La grande (lourde et heureuse ?) délivrance

Épisode 7 : Le post-partum, la violence des séquelles de l’accouchement

Épisode 8 : La violence, c’est nous… mais surtout les autres !

On ne conclut jamais un sujet pareil !

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